The Revolutionary Association of the Women of Afghanistan (RAWA)
RAWA


 

 

PTB, February 26, 2010

Mariam Rawi, militante afghane des droits des femmes: «Les talibans reçoivent des fonds de l’OTAN»

Pendant une semaine, Mariam Rawi, militante afghane des droits des femmes, a sillonné la Belgique. Un entretien avec une Dame infatiguable et à la langue acérée.

Danny Claes

Afghan Woman
La situation s’est améliorée pour les femmes en Afghanistan? «Pardon?», répond Mariam Rawi, «A chaque nouveau bombardement de l’OTAN, on a un nouveau flux de réfugiés. Dans ces conditions, les femmes ont-elles une chance d’aller à l’école?» (Photo Samir Hamdard)

Nous avons rencontré Mariam Rawi, de l’organisation des femmes progressistes afghane (RAWA), après une conférence à Gand. C’est une femme tenace et engagée qui a de multiples cordes à son arc : militante, enseignante dans les camps de réfugiés au Pakistan et une célèbre rédactrice internationale : The Guardian, The Japan Times, El Pais, Z-Magazine, ont publié ses articles. L’un d’eux a été publié dans plus d’une centaine de journaux dans le monde. Mais nous ne nous étendrons pas sur sa carrière journalistique mais davantage sur son pays natal et l’association féminine dans laquelle elle est active.

«RAWA existe depuis déjà 70 ans», raconte-t-elle, «mais nous n’avons jamais eu une situation aussi difficiles que celles d’aujourd’hui. Nous ne pouvons plus organiser nos activités - cours d’alphabétisation pour femmes et jeunes filles, formations pour femmes et développement de projets sanitaires – au nom de Rawa. En Afghanistan, je dois me déguiser. Notre porte-parole, Malalai Joya, est en permanence menacée de mort.... Nous sommes littéralement entre trois feux : les Talibans, le gouvernement et l’OTAN ».

Ici, certains disent que la situation s’est améliorée, même pour les femmes ?

Mariam Rawi. Pardon ? A chaque nouveau bombardement de l’OTAN, on a un nouveau flux de réfugiés. Dans ces conditions, les femmes ont-elles une chance d’aller à l’école ? Dans les campagnes, la misère est extrême. Les équipes de l’OTAN sont encadrées par des soldats et n’ont aucun contact avec la population. Ici, on raconte un show qui n’a rein à voir avec la réalité. En outre, les aides financières ne vont pas à la population. Nous n’avons aucun soutien. C’est surtout l’élite qui en profite. Certains responsables des services d’aide – aussi bien des Occidentaux que des Afghans – gagnent jusqu’à 10 000 dollars par mois. Si vraiment vous voulez nous aider, faites en sorte que les soldats de l’OTAN quittent notre pays au plus vite.

Ne craignez vous pas de voir revenir les Talibans, la guerre civile, le chaos ?

Mariam Rawi. Celui qui prétend cela n’a rien compris. Chez nous, aujourd’hui c’est déjà la guerre civile et le chaos. Et il est de notoriété publique que les Talibans reçoivent des fonds de l’OTAN. 

Vous dites?

Mariam Rawi. Les troupes de l’OTAN utilisent leur approvisionnement à des fins privées pour payer aux Talibans un droit de passage dans les zones qui sont contrôlées par eux. Et les Talibans déplacent leurs opérations militaires vers d’autres régions... Officiellement, on parle de négociations avec les Talibans « modérés ». Autrement dit, on est prêt à donner un certain pouvoir aux Talibans. Comment dans ces conditions peut-on espérer reconstruire notre pays et accorder aux femmes des droits fondamentaux ?

Que faudrait-il faire?

Mariam Rawi. Avant tout, il faut que les populations des pays de l’OTAN fasse pression sur leurs gouvernements pour que ceux-ci retirent leurs troupes. Les soldats de l’OTAN sont en effet une part du problème et pas de la solution. Leur présence renforce les fondamentalistes et augmente l’insécurité de la population.

Secundo, la communauté internationale doit mettre fin au financement des fondamentalistes. Il faut que le soutien au gouvernement actuel et le financement des Talibans cessent. Tertio, il faut juger les criminels de guerre qui siègent actuellement au gouvernement sans la moindre crainte.


« Les Etats-Unis ont permis aux groupes fondamentalistes de se développer »

«Cela servait leur lutte contre la Russie. Après le retrait des Russes, le pays a plongé dans une guerre civile entre les seigneurs de guerre du Nord et les Talibans. Les deux sont des groupes fondamentalistes. Les Américains ont d’abord soutenu les Talibans et par la suite, ils ont choisi l’autre camp », explique Mariam. « En 2001, des avions américains ont lancé des tracts accusant les Talibans, des tracts qu’ils avaient copiés sur notre association. Pendant un court moment, nous avons vraiment cru que les choses allaient changer. Mais dans leur combat contre les Talibans, ils ont porté au pouvoir les seigneurs de guerre du Nord. » Mariam ajoute qu’aujourd’hui, 80 % de ceux qui siègent au parlement afghan sont des criminels de guerre et des fondamentalistes. « Dans les années 90, ils se sont enrichis grâce aux pillages. Et à présent ils sont tout puissants grâce au soutien de l’étranger. L’armée et la police sont dirigées par ces hommes. Est-ce ainsi que l’on va se débarrasser des Talibans ? »

Pour plus d’infos: http://www.rawa.org

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