LE MONDE, 27 septembre 2001

Le ventre de "une" www.rawa.org,
messages de femmes afghanes contre la terreur des talibans


C'est un film court, d'une minute environ. La scène a pour décor un stade de football à Kaboul, capitale de l'Afghanistan, et remonte à 1999. Au milieu du terrain, quelques hommes au visage découvert, aidés de quelques silhouettes entièrement masquées, font sortir d'une voiture une autre silhouette, recouverte d'une burqa bleu pâle, et l'agenouillent à leurs pieds. Un homme s'approche, fusil en bandoulière. En un seul mouvement, il lève son arme et tire plusieurs balles dans le corps inerte.

Ces images ont fait le tour du monde. Diffusées une première fois en juin dans un documentaire de la chaîne britannique Channel 4, elles ont ensuite été reprises par le network américain CNN au mois d'août. En France, des extraits ont été intégrés dans plusieurs reportages sur l'Afghanistan programmés après les attentats aux Etats-Unis ("Envoyé spécial" sur France 2 le 13 septembre, "7 à 8" sur TF1 le 16 septembre), tandis qu'Arte diffusait le documentaire de Channel 4 dans le cadre d'une soirée thématique. Lundi 24 septembre, Nicolas Poincaré consacrait sa chronique hebdomadaire sur France-Inter à ces images barbares.

L'information n'est pourtant pas nouvelle. Il y a deux ans, Associated Press avait fait état de cette exécution publique, "la première depuis que les talibans ont pris le contrôle du pays" en 1996. Une dépêche de l'agence de presse américaine précisait alors que la victime, "Zarmeena, mère de sept enfants", avait été condamnée à mort par les talibans après avoir été "jugée coupable d'avoir tué son mari à coups de marteau pendant son sommeil".

Parmi les "milliers" de personnes présentes dans les tribunes du stade de Kaboul ce jour-là se trouvait l'une des membres de l'Association révolutionnaire des femmes en Afghanistan (RAWA). Munie d'une petite caméra digitale dissimulée sous sa burqa – vêtement qui recouvre le corps de la tête aux pieds, que sont tenues de porter toutes les femmes en Afghanistan –, elle a bravé les interdits et risqué sa vie.

Créée en 1977 par la poète militante Meena (assassinée en 1987), RAWA défend les droits des femmes afghanes, particulièrement mis à mal par le régime des talibans, qui leur interdit l'accès au travail, à la culture, et les oblige à sortir voilées, accompagnées d'un homme. On lui reproche parfois des affinités maoïstes, mais l'association se veut avant tout "indépendante", comme en témoignent ses prises de position successives, depuis vingt ans, tant contre les Soviétiques que contre les moudjahidins ou les talibans.

Exilée au Pakistan, RAWA parvient, en Afghanistan, à s'organiser pour permettre aux jeunes filles de s'instruire malgré tout. Au Pakistan ou en Iran, elle a créé des écoles pour accueillir les enfants réfugiés, des centres de soins et des centres de confection artisanale.

Autre moyen mis en œuvre : sensibiliser l'opinion internationale. RAWA publie depuis 1981 son magazine, Payam-e-Zan ("Message de femmes"), qui fait état des atrocités vues ou subies en Afghanistan. "Il est important de montrer comment ça se passe ici. Cela fait des années que l'on crie, mais on ne nous entend pas", regrette une membre de RAWA. L'association propose les images sur son site Internet (www.rawa.org), aux côtés de dizaines de photos et de communiqués.

José Barroso


http://www.lemonde.fr/rech_art/0,5987,226230,00.html




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